• Le  village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller de Boualem Sansal

    Roman ( Gallimard, 2008)

     

    Le bicéphalisme de l’Horreur

     

    Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller est au cœur des tragédies totalitaires du XXème siècle et de leurs effets à long terme sur le devenir du XXIème siècle. Avec ce roman de l’effroi, d’une généalogie rattrapée par un passé sordide que n’ont pu effacer ni les années d’héroïsme consacrées à la libération de la patrie, ni la barbarie terroriste, Boulame Sansal, après L’enfant fou de l’Arbre creux, Dis-moi le paradis et Harragas, revient à l’univers noir d’horreur de Le Serment des barbares par lequel il est entré dans la littérature par la cour des grands.

     

    Par Rachid Mokhtari

    C’est un massacre terroriste perpétré sur la population de Aïn Deb, un village dans la région de Sétif  qui déclenche un récit dialogique entre deux frères, Rachel et Malrich schiller. Leur père, Hans Schiller, ancien SS converti à l’islam et leur mère Aïcha ont trouvé la mort dans cet attentat, le 24 avril 1994, à 23h. Les deux frères, partis très jeunes en France, recueillis par leur oncle maternel, tonton Ali apprennent l’assassinat de leur parent par le biais de l’ambassade. Rachel l’aîné vit dans un pavillon, il est marié à Ophélie, travaille pour une firme internationale alors que Malrich, resté chez son oncle maternel, est confronté à la mal vie d’une cité de la banlieue parisienne rongée par la montée de l’intolérance des islamistes qui prêchent dans les caves. Rachel décide de retourner à Aïn Deb pour faire le deuil de ses parents, se recueillir sur leur tombe, cinq mois après le massacre terroriste, le 22 septembre 1994. Le voyage se fait sans encombres, mis à part les tracasseries administratives pour l’obtention du passeport vert.

     

    Les reliques gammées de Hassan Hans dit Si Mourad 

    Il arrive au village et retrouve la maison paternelle telle qu’il l’a laissée avant son départ en France. Là, il retrouve son passé, ses souvenirs d’enfant mais aussi un autre passé, celui de son père, aux antipodes de l’ancien résistant qu’il fut durant la guerre de libération qui lui valut les honneurs et le respect de tous les habitants de Aïn Deb. C’est un ancien SS, de la Wehrmacht, ayant servi dans les camps nazis d’Extermination. Natif de Landorf, un petit village de l’Allemagne profonde qui ne connaît pas, au moment où s’y rend Rachel, le mardi 22 mars 1994, l’horreur du terrorisme de la décennie noire et rouge qui a ensanglanté Aïn Deb.  Malrich découvre les reliques de l’abominable mais aussi celles du guérilleros des maquis de la libération. Il écrit : « J’ai longuement hésité puis j’ai ouvert d’un seul coup. Des papiers, des photos, des lettres, des coupures de journaux, une revue. Jaunis, écornés, tavelés. Une vieille montre en acier trempé, datant de l’autre siècle, arrêtée sur 6h 22A. Trois médailles. Rachel s’était documenté, l’une est l’insigne des Hitlerjugends, les Jeunesses hitlériennes, la deuxième est une médaille de la Wehrmacht, gaganée au combat, la troisième est l’insigne des Waffen SS. Il y a un morceau de tissu avec une tête de mort, l’emblème des SS, le Totenkopf. Les photos prises en Europe, en Allemagne sans doute, le montrent en uniforme, seul ou en bande (…) Sur d’autres, il est plus âgé, il porte l’uniforme noir des SS, il a le visage sévère (…) Des photos plus récentes le montrent avec des maquisards algériens, il porte un treillis et un chapeau de brousse. Il a pris du poids, il est super bronzé, ça lui va bien, il est dans une clairière, face à des guérilleros assis par terre. Des armes sont étalées sur une couverture. Il dispense un cours de maniement d’armes. Au sommet d’un mât de fortune, flotte le drapeau algérien… »

    Rachel se souvient de son enfance à l’écoute du père qui racontait l’accomplissement de son devoir de résistant dans les maquis de 1954 mais aussi d’un air et d’un ton enjoués, ses jeunes années dans la Wehrmacht. Rachel écrit dans son journal du 22 septembre 1994 : « Papa nous parlat beaucoup de ce devoir, il racontait son temps dans les Hitlerjugends, les grosses blagues des bons camarades, les réunions nocturnes bien arrosées, les grandes retraites au flambeau, puis le service dans la Wehrmacht, le départ pour la guerre…et le reste. Moi-même, quand j’étais petit à Aïn Debn j’ai été de la jeunesse FLN, les FLnjugends du pays, c’est obligatoire, et j’ai pas mal activé. Parfois, ça me manque, on était envoûté, on vilipendait à tour de bras, on défilait matin et soir, on épurait nos rangs avec entrain et on chantait nos victoires en hurlant avec les loups… ». Les deux termes construits sur la même racine de la langue allemande à savoir les Hitlerjugends et les FLnjugends sont assez signifiants quant au parallèle fait entre la fascisation des SS et des idéologies partisanes spécifiques. Boualem Sansal utilise ici la subtilité des ressources qu’offre la néologie par les mots même de Rachel qui fait en quelque sorte son mea culpa. Le terme de FLnjugends est réitéré dans le journal de Rachel qui a été lui aussi endoctriné. Rachel ne fait que constater, sous l’influence du passé démoniaque du paternel sa propre expérience d’une idéologisation dont les codes et les valeurs étaient proches du parti SS de « papa ».

     

    Sur les pas du père SS

    Dès lors, les deux frères Schiller ne s’intéressent guère aux faits d’armes du résistant, à son passé auréolé de glorioles durant de la guerre de Libération, à Si Mourad, son pseudo des maquis et de l’instructeur militaire qu’il fut après l’indépendance, mais à ses antécédents sordides de SS, de la croix gammée, des gazages d’Auschwitz. Comment ce père, réfugié dans ce village oublié du bout du monde, sorti de l’anonymat par un carnage terroriste, a-t-il pu cacher ce visage d’horreur, de tortionnaire nazi, jeune scientifique parmi d’autres, acquis à Hitler dans l’Extermination des Juifs, ayant participé avec obéissance et dévouement à l’amélioration des techniques de la mise à mort massive dans les camps de la mort ? Cette question lancinante mène les deux frères, Rachel plus que Schiller, à entreprendre un voyage dans la géographie du Mal, physique et introspective pour tenter de comprendre ce qui a pu entraîner et endoctriner la jeunesse de leur géniteur dans cet univers de la Shoah, de la déportation et de l’extermination des Juifs. Rachel écrit dans son journal de Mars 1995 : « La question me rend fou : papa savait-il ce qu’il faisait à Dachau, à Buckenwald, à Majdanek, à Auschwiltz ? Je ne peux plus croire qu’il fut victime, un  jeune innocent et fragile que le Mal a pris à son insu, ou contre son gré ». Rachel tente de se rassurer, d’innocenter son « papa » qui ne savait pas. Mais il est pris dans un cauchemar. Aïn Deb devient un camp d’extermination. Il crie, il hurle. Il appelle Ophélie. Elle l’a quittée. Elle ne veut plus vivre avec un mort-vivant, même pas un rescapé des camps : « Elle n’était pas là, elle n’est pas rentrée. Elle est partie. Le silence a quelque chose de surnaturel…Je l’entends, il sent le cramé, il colle à la peau. Un truc est tombé du canapé. Mon Dieu, ce bruit ! Un livre… Mein Kampf. Je suis allé dans le garage et je l’ai brûlé… »

     

    Rachel à son retour de Aïn Deb tient un journal durant près du 22 septembre 1994 à février 1996, soit près de deux années. Il se sent coupable à la place de son père. Il en porte la responsabilité et en conscientise le processus de diabolisation de la « banalité du Mal » selon le concept de Hannah Arendt à propos du procès en Israël d'Adolf Eichmann, criminel de guerre nazi. Il décide de suivre pas à pas le  sinistre cheminement de Hans Schiller ; ce qui lui vaut des difficultés dans son travail et la rupture avec son épouse Ophélie. Mais pis, il se suicide de n’avoir pu assumer l’héritage d’un père SS, ayant participé à l’extermination des milliers de Juifs. Son journal post-mortem est découvert par son frère Malrich dans le pavillon qu’il occupait avec Ophélie. Il est réparti dans le roman en six passages chronologiques : Le 22 septembre 1994, mars et avril 1995, juin, juillet et août 1995, le 9 mars 1996, les 10 et 13 avril 1996 et février 1996. Il se suicide le 24 avril 1996 à 23 heures, aux mêmes date, mois et heure, deux années après l’assassinat de son père et de sa mère par les terroristes islamistes. Auparavant, il aura entrepris de retrouver la trace de ce père qu’il voue aux gémonies en Allemagne, dans le village natal du paternel, à Frankfurt où il fut un brillant étudiant et à Auschwitz, sinistre SS. 

     

    La fratrie face à l’Horreur « paternelle »

    La répartition de son journal dans le roman n’est pas neutre. Elle est progressive ; à mesure qu’il s’approche de la Vérité, les détails de l’horreur déferlent dans les dernières notes du journal. C’est d’abord un récit de voyage à Aïn Deb emmuré dans le silence de la mort depuis le massacre terroriste puis la découverte des reliques des croix gammées, enfin le voyage initiatique de l’horreur dans laquelle a baigné son père qui laisse en héritage un passé complexe dans lequel il est à la fois bourreau, héros et victime. Mais à trop vouloir se lover dans le plus grand crime perpétré contre l’humanité, on finit soit par perdre la raison soit par la négation de soi, le suicide. Rachel ne fait pas que remonter les péripéties de la jeunesse SS de son père. Il s’y identifie au point de reconstituer dans le détail l’histoire insoutenable en lecture même des camps d’extermination. Les déportations, le tri, l’architecture des camps, des chambres à gaz, le génie diabolique mis dans la recherche des produis chimiques pour accélérer la mort massive et subite : « C’est en pensant à lui, à son travail si harassant, si peu gratifiant, que j’ai collationné tant d’informations sur les chambres à gaz et les fours crématoires. Je voulais savoir de quoi était fait son quotidien au service de l’extermination. J’ai aussi pensé  que juger son père exigeait que l’on sache ses crimes dans le détail, qu’on en qualifie chaque étape, et qu’on en reconstitue le déroulement au plus près. Il restera le chapitre des circonstances mais j’avais réfléchi à la question et je crois être arrivé à la conclusion qu’un homme phagocyté par le Mal qui ne se suicide pas, qui ne se révolte pas, ne se livre pas pour réclamer justice au nom de ses victimes mais au contraire s’enfuit, dissimule, organise l’oubli pour les siens, n’a pas droit à la compassion, à aucune circonstance atténuante… » Dans cette même partie du journal datée de Juin, Juillet 1995, Rachel s’intéresse au four crématoire, à la nature des gaz et à leurs expérimentations scientifiques sur des cobayes humains et il le fait froidement, sans état d’âme aucun, avec des détails techniques comme s’il s’agissait d’un traité scientifique avec des données mathématiques, soulignant par là même l’horreur inodore et incolore. La technologie de la mort n’a pas de limites. C’est un mode d’emploi : « Ainsi le Zyklon B n’avait pas toutes les qualités que lui prêtaient les notices du fabricant et le contenu des fûts, deux cents litres selon l’étiquette commerciale, présentait des variantes de volume assez sensibles pour compromettre une opération de gazage sur trois. On penserait évidemment aux inévitables fuites mais il y a d’abord le fardage que les sociétés amies du Reich, IG Farden en tête, pratiquaient pour arranger les statistiques destinées aux administrations de tutelle… »

     

    Son dernier voyage, la partie finale de son  journal, il l’entreprend à Auschwitz que visite les familles des victimes. Lui, le fils d’un bourreau du camp ose demander pardon à une vieille femme rencontrée sur les lieux. Comment « pardonner l’impardonnable » selon les propres termes du philosophe Jacques Derrida. Il se culpabilise du passé de son père et se donne la mort ; une mort symbolique qui se veut une rupture généalogique et historique. Comment survivre à tant d’horreurs qui hantent et salissent l’état-civil. Ce n’est guère l’auréole de Si Mourad, le vaillant capitaine combattant de l’ALN (l’auteur n’utilise pas ces sigles), ni même la victime des terroristes. C’est le bourreau, jeune SS qu’il fut qui met  les deux frères sur les mêmes rails des trains roulant vers les camps d’extermination.

    Le journal de Malrich, qui prend appui sur celui de Rachel, commence deux années après le massacre terroriste commis à Aïn Deb et cinq mois après le suicide de son frère grand frère Rachel. Il est réparti en cinq temps : octobre et novembre 1996, les 15 et 16 décembre 1996, janvier et février 1997. Il écrit à propos du journal de Rachel : « Dans ce voyage au cœur de l’horreur, Rachel a écrit des centaines de pages, elles fourmillent d’informations techniques très précises sur les stalags et d’histoires aussi incroyables que bouleversantes glanées ici et là, certaines racontées par les guides qui font visiter les camps, d’autres par d’anciens déportés qu’il a rencontrés dans tel ou tel camp, venus en pèlerinage… »

     

    Le Mal sous d’autres bréviaires

    A la différence de son frère aîné Rachel, Malrich se refuse à prendre sur soi le passé de son père. Il sait que ce passé n’est pas clos, qu’il ne s’arrête pas à 1945.  Il vit dans une cité de la banlieue parisienne infestée d’islamistes de cave. Une jeune fille, Nadia, comme d’autres Nadia gazées parce que juives a été retrouvée égorgée. Les prêches des interdits s’accentuent et l’imam de la cave 17 de sa cité n’est pas inquiété outre mesure. Il le rencontre et lui pose des questions qu’aurait pu poser Rachel à  son père SS. Que feriez-vous des gens qui seront contre votre règne totalitaire ? Les gazer ? les exterminer ? L’imam justifie le supplice par la volonté divine mais finit par avouer les mêmes desseins que le bréviaire de Hitler : « Ce sont des méthodes barbares (celles des SS). Allah ordonne de tuer les infidèles selon le rite musulman ».

    Alors que pour Rachel l’abominable s’arrête dans le passé de son père, de son ascendant, Malrich vit une situation annonciatrice des mêmes horreurs commises par Hans, Si Mourad, il y a un demi-siècle, en dépit du procès de Nuremberg. Deux visions s’affrontent sur les idéologies totalitaires. Celle de Rachel restée dans l’histoire affective et effective d’une filiation rompue et celle de Malrich qui se rend, chevillé, à l’évidence que le passé SS de son père n’est pas un fait circonscrit dans un passé mais trouve son ascendance dans toutes les idéologies totalitaires, toutes en puissance de régénérer l’holocauste. Rachel écrit : « Qu’on songe à tout ce qui a pub être infligé à tant d’honorables peuples avec des bréviaires aussi nuls que Mein Kampf, et des moyens dérisoires de pays plutôt sous développés : le livre rouge de Mao, le vert de Kadhafi, celui de Kim Il-song, celui de Khomeiny, celui des turmenbachi Saparmourat, qu’on songe aussi à ces millions de pauvres gens détruits par des sectes misérables en idées et en moyens… »

    Mais les deux frères se rejoignent sur des faits présents, bien de leur temps. Scandalisés par le fait que leur parent soit enterré, l’un sous son pseudonyme de guerre, l’une sous son nom de jeune fille, comme pour cacher le patronyme des époux Schiller, ils écrivent aux autorités algériennes et demandent réparation de cette usurpation patronymique. Comme Rachel, Malrich entreprend un voyage à Aïn Dib, dans d’autres conditions. Il n’est pas reçu de la même manière que Rachel. Il écrit  dans son journal du 15 décembre 1996 : « Je passe sur les détails, j’ai commis la bêtise de gratter à la porte  au   lieu de toquer carrément, ce qui a provoqué des mouvements furtifs à  l’intérieur de la maison, suivis d’un conciliabule affolé, puis d’un début de panique quand, au lieu de me présenter franchement, j’ai chuchoté entre mes mains : Mimed, ouvre, c’est moi, Malrich… Malrich est mon surnom en France, il n’a pas court ici il a été compris comme un mot de passe ou quoi d’autre ; Puis tout est rentré dans l’ordre, j’ai parlé clairement, je me suis identifié officiellement. C’est Malek, le fils de Hassan et de Aïcha, le frère de Rachid… » La situation sécuritaire s’est dégradée dans le pays. Dans les descriptions qu’il donne des contrôles serrés par la police des frontières, Boualem Sansal reconduit avec exagération les termes de Gestapo, de déportation, qui sortent de leur contexte historique de l’horreur pour chuter dans une acception qui se veut ironique mais, somme toute, anecdotique : « Mon Dieu, que ce fut long, ces papiers, ces Ausweis, ces contrôles, ces attentes, ces chicanes, on dirait qu’ils ne rêvent que de ça, les bonzen d’Alger, torturer les gens. Une vraie Guestapo… » Le regard de Rachel s’arrête au paternel, à l’ascendance de l’horreur fasciste alors que celui de Malrich se projette sur la descendance, la progéniture des SS sans pour autant faire le procès de son père.

     

    Le brouillage des strates historiques, mêlant le bourreau, le héros et la victime a - t-il induit l’usurpation patronymique de Hans enterré sous son pseudo, de ses enfants naguère Rachid et Malek devenus Rachel (de consonance juive) et Malek devenu Malrich (de consonance allemande) ?

    Ce roman de construction esthétique originale, bâti sur deux voix fratries sur le passé d’un père qui fut SS, exterminateur des Juifs mais aussi grand combattant de la guerre de libération, assassiné des années après l’indépendance du pays par les terroristes à Aïn Deb, illustre parfaitement le bicéphalisme, voire le « polycéphalisme » de l’horreur dans tous ses étalages historiques et actuels. Le passé de Hans Schiller, c’est le soldat musclé de l’Allemagne Nazie, de la croix gammée mais aussi le combattant de la Libération. Les deux jumelés ont-ils un rapport ? Entre le sordide et l’héroïque qui, pourtant, toujours se côtoient dans l’histoire de l’humanité? Le soldat SS ternit-il l’image du combattant de libérateur ? Ce dernier efface-t-il l’horrible de la Shoah ? Hassan Hans a –t-il été un « juste », n’a-t-il fait qu’obéir au devoir avec la détermination de ceux qui savaient pas où étaient destinées les cargaisons ferroviaires ?  Le massacre terroriste a eu raison des deux. Boualem Sansal injecte des doses d’absurdité dans les deux journaux des héritiers de Si Mourad, alias Hans Schiller. L’auteur de Le serment des barbares a réussi un tour de force littéraire en se gardant de recourir à un discours extralittéraire là où tout n’est qu’idéologie politique. Par cette mise en forme dialogique, il donne la parole à deux frères, à des héritiers de cette histoire mouvementée  que livre Aïn Deb au sortir d’une nuit meurtrière.

     

    Rachel et Malrich, Rachid et Malek ne sont guère complaisants face au passé SS de leur père ni même face à leur destinée. Rachel refuse d’être le chaînon de l’horreur. Il se suicide, c’était pour lui la délivrance. Malrich affronte les imams de Hitler dans sa banlieue parisienne. En aura-t-il la force ? L’alternance des deux journaux, graphiquement distingués apporte peut-être une réponse au Mal dans une vision rétrospective (Rachel, prénom féminin biblique, d’étymologie hébraïque) et prospective (Malrich, de consonance allemande). Malrich écrit : « Nous sommes de mère algérienne et de père allemand, Aïcha et Hans Schiller. Rachel est arrivé en France en 1970, il avait sept ans. Avec ses prénoms Rachel et Helmut, on a fait Rachel, c’est resté. Moi, j’ai débarqué en 1985, j’avais huit ans. Avec mes prénoms Malek et Hulrich, on a fait Maqlrich, c’est resté aussi… »

     

    Ce roman puise sa force du fait même qu’il choque le lecteur et le dérange dans ses préconçus historiques et dans sa mémoire ou sa culture formatée aux idées reçues rétives dans la destruction de réalités sacralisées. La mise en contiguïté, voire l’interpénétration du soldat SS et du combattant de la guerre de libération ne relève pas de la pure fiction et ne procède pas du blasphème. Elle prend appui sur des réalités historiques restées tues au nom même de cette sacralisation. 

     

    Est-il opportun de s’interroger sur le contexte politique de sa parution marquée par l’intérêt manifeste du l’actuel Président de la République française à l’endroit privilégiée de la communauté juive, vivement critiquée par Simon Veil ou par l’insurrection des banlieues françaises toujours d’actualité ? Gardons-nous cependant d’occulter la richesse documentaire et énonciative de ce roman où se croisent deux voix les plus actuelles de l’Algérie entre un village perdu du pays profond, Aïn Deb et les capitales occidentales où le Mal a pris racine…

     Rachid mokhtari ( Revue Passerelles)

     

     


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  • Le maître de l’heure, roman de Habib Tengour ( ed. La Différence – 2009)

     

    Le narrateur est un jeune homme qui vit sous la terreur paternelle et les douces joies d’un amour caché quelque part dans un village de l’Oranie qui vit loin de la capitale, alors régence turque. Un événement inattendu de lui déclenche la narration et perturbe la vie du jeune homme. Son père qui a eu maille avec sa progéniture, le charge d’aller ramener la tête de son frère aîné tué par les Turcs à Alger.

    L’adolescent ne peut refuser cette mission au péril de sa vie. La route, à pied,  est longue et en ces temps de brigandage, l’arrivée à la Régence est semée d’embuches. Il fait plusieurs rencontres. Celle qui lui est décisive est l’apparition du saint tutélaire d’Alger, Sidi Abderrahmane ( l’auteur, anthropologue, versé dans les études de l’hagiographie connaît bien son sujet). Après s’être enquis des raisons de son voyage, Sidi Abderrahmane lui offre une bourse rempli de reals et décide de l’accompagner dans les dédales de la capitale province de la sublime porte, à la recherche des traces du frère aîné. Sidi Abderrahmane le laisse aux portes de la mairie de la ville où l’adolescent fait face aux tracas administratifs pour se faire délivrer un papier attestant de la présence du frère décapité en ces lieux. Rompu dans les télescopages spatiotemporels, Habib Tengour restitue, dans les détails,  l’appareil administratif et policier de notre époque par le truchement de la période ottomane.

    Après une errance dans les tripots de la ville, le missionnaire arrive à retrouver la tête de son frère et la trimbale dans un sac qui laisse couler le sang et attire des prédateurs. Le « trophée » connaît bien des péripéties. L’adolescent, au terme d’une enquête dans les bas fonds n’est pas arrivé à élucider la mort violente de son frère.

    Le retour au village se fait commode. La tête est là sous le regard autoritaire du père. Mais qu’a-t-elle apporté à la famille ? L’adolescent tente de retrouver la fille aimée mais c’est la tête qui le hante sous les menaces paternelles qui ont décuplé.

    Dans ce roman, le pouvoir turc est peint sous l’atrocité d’une décapitation et n’est pas décrit comme une « civilisation » ou sous l’emblème de la civilisation de l’islam. La ville est un panier à crabe et le terreau du banditisme et de la prostitution des autochtones.

    Sur le plan thématique, il fait écho au roman de Tahar Djaout Les chercheurs d’os, roman dans lequel un autre adolescent villageois part, aux premières heures de l’indépendance de l’Algérie, à la recherche des os de son frère aîné tombé au champ d’honneur de la guerre de Libération quelque part dans une région du pays.

    rachid mokhtari


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  • Yanvalou pour Charlie ( Ed. Actes Sud, 2009) , roman de Lionel Trouillot

     

    Un roman musical

     

    Le prix Wepler –Fondation la Poste de la sélection 2009 a été décerné  à Lyonel Trouillot pour son dernier roman « Yanvalou pour Charlie » ( Actes Sud) ; un roman dans lequel le personnage principal est un riche avocat de Port-au-Prince rattrapé par une enfance pauvre vécue dans un village de Haïti. Charlie, son double, son jumeau littéraire, est venu perturber son monde paillettes pour le ramener aux réalités de son pays, si pauvre mais si riche en solidarités.     

     

     

    Ce roman musical a pour cadre l'insaisissable cafouillis de la capitale d’Haïti, Port au Prince, avec ses déchirures architecturales et humaines. Charlie, le garçon d’un village oublié, vient frapper à la porte de la conscience de celui qui, pour effacer ses origines paysannes, se fait pompeusement appeler Mathurin D Saint-Fort dans le milieu fermé et obséquieux du barreau. Avocat en pleine ascension, soucieux de sa réussite personnelle, entre son Chef tout puissant et deux de ses collègues femmes qui ne vivent que d'apparences, ce Mathurin-là -  on le sent dès les premières lignes du roman -, n'est pas à l'aise dans son identité d'emprunt, de camouflage. Une guitare héritée d'un barde de son village natal oublié est, malgré ses fils usés, de tous les nouveaux bibelots de sa réussite matérielle, le seul « objet » qui ait encore une âme, plus que lui peut-être dans sa nouvelle vie. Que fait encore cette guitare des enfances anciennes dans sa vie d'avocat d’affaires ? La musique ne fait pourtant pas bon ménage avec ce monde fermé et froid, sans état d’âme. C’est que  l'instrument est encore capable de résonances lointaines. Compagne du vieux barde Gédéon, la conscience du village - honnêteté faite homme- porte,   sa caisse berce l'écho de l'enfant Dieutor qui a quitté son village de boue, son village de mer qui n'en est plus une, pour atterrir dans un orphelinat de Port au Prince où il est "enrôle" par d'autres enfants déracinés comme lui pour des descentes nocturnes conduites par Nathanaïel, l’intellectuel bandit du groupe d’enfants et d’adolescents qui se spécialisent dans les vols en tous genres dans les quartiers cossus de Port au Prince, là même où l’ex Dieutor tapi dans Mathrin D Saint Fort  tente d’effacer ses origines. Mais il se moque bien de son nom d’emprunt  et des attitudes empruntées de ses collègues femmes, arrivistes jusqu’au bout des ongles et de la Grande épouse de son Chef  qui fait ses emplettes festives à Miami sur le compte bancaire garni de son époux « épouvantail ».  Il en rit et trouve même à en faire l’objet d’observations scrupuleuses et humoristiques.

    Mais, cette drôle de vie ne pouvait tourner le dos à la misère ambiante. Celle des rues poubelles, des grabats, d’une population jetée dans les détritus par des gouvernances prédatrices. Mathurin D Saint Fort, alias Dieutor, la honte camouflée, pourra-t-il tuer en lui Dieutor et être enfin l’avocat respecté au nom composé affublé de la particule de noblesse. Non, le patronyme d’emprunt sonne faux comme les fils de la vieille guitare trop usés par les complaintes des gens de son village oublié des dieux et des hommes. D’ailleurs, il n’en a pas l’allure, encore moins la prestance ! Une identité de pacotilles dont le vernis injurie un pays balafré comme la joue de la sœur –mère de Nathanaïel, prénom aux douces consonances musicales et poétiques d’un braqueur à main armé et néanmoins tête « pensante » aux idéaux de partage et de justice. Dieutor contre Mathurin, Dieutor avec Charlie. Commence alors un retour dans les dédales d’une ville exsangue, affamée, dépotoir où la faim court les rues. Dieutor mal déguisé en pauvre a habillé de neuf « son protégé dérangeant ». Tous deux, comme l’un dans l’autre, entament l’inévitable retour dans leur boue d’origine commune,  les pieds hésitants de l’ex Mathurin dans les ruelles jonchés de pelures, sur un rivage jadis marin rempli d’excréments, les yeux fixés sur les baraques en tôles ondulés, incertaines demeures qui ont « fait »pourtant son enfance. Ils ne sont pas seuls à y revenir par cette traversée empuantie des origines. D’autres bandes marchent, trébuchent, à la recherche du magot volé, à la recherche aussi d’une enfance volée.

    Ces êtres, en mal de pays, malgré les souffrances, ne perdent pourtant pas espoir. Les enfants dessinent à la craie sur les portes fragiles de leur gît des étoiles à défaut de les voir un jour briller dans le ciel, ressuscitant le mythe du Vaudou, le Yanvalou qu’incarne le tribun du village, le Yanvalou de la terre ancestrale. Chacun des quatre personnages, Mathurin, Charlie, Nathanaïel, Anne, la sœur aînée dont Mathusin n’a pas oublié la berceuse rédemptrice « Dieutor, mon Dieutor » dit ses tourments, emprunte une voie, certes ardue, pour retrouver son passé, le reconstruire quand le souvenir n’existe plus, le quête au fond de soi, dans son double obsessionnel ( Dieutor/ Charlie). 

    Ce roman quatuor est un hymne à la terre haïtienne, africaine, en ce qu’elle a de sordide et d’attachant, de déracinant et d’enracinant. Sa beauté esthétique  réside dans sa polyphonie discursive ( Je/tu/il) et dans un rythme syntaxique   envoûtant.

    Rachid Mokhtari/CCF 

     

     

     


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  • Ghazza ou la Fascination poétique

    Odes à la terre sainte, la Palestine, élégie à la terre natale, Ghazza, complainte de la maison des origines, celle du Néguev, une maison « matrice » du seuil de laquelle s’amorce une violente « désorigine » : l’histoire collective d’un pays occupé, emmuré, le destin intime d’une famille expropriée et jetée sur les routes incertaines d’une errance physique et « intérieure » jamais guérie de l’exil du Néguev maternel, obsédée, toujours, par les valises à refaire dans une Algérie ensanglantée, comme Ghazza, où les fils du pays, réapprennent les réflexes de leurs aïeux sous l’occupation coloniale.

     

    Suzanne el Farrah el Kenz  dans « La maison du Néguev, une histoire palestinienne » dépasse la simple consignation d’une autobiographie, d’une mémoire nue, pour l’inscrire dans une extrême fascination poétique – non politique -  d’un pays perdu, quêté, rêvé, retrouvé, senti, et pas seulement, arpenté dans la mémoire prospective, verbale et sémantique ; une fascination poétique qui n’abdique pas aux tragédies de l’histoire,  donne  force et vigueur aux mots, simples et sincères qui la disent dans un « je » conjugué à l’unisson des attaches séculaires d’un peuple, des peuples qui ont connu et connaissent toujours et encore la déshérence de toutes les « maisons » du Néguev et d’un « je » qui se détache, souverain, par cette fascination poétique même, des discours idéologiques, politiques, nationalistes, pour marquer ses empreintes digitales et nominales dans ses réalités humaines, son humus ancestral, ses odeurs  animalières d’un territoire, d’un toit, d’une porte, d’un seuil…

     

    L’auteure a quinze ans quand, avec sa mère et son petit frère, elle revient d’un riche pays pétrolier où travaille le père, pour visiter la maison familiale, celle du Néguev à Beer Sheva, une localité de Ghazza. Ce retour d’un exil économique vers la maison élue est une première blessure pour la mère qui y a mis tout son amour d’épouse et pour l’adolescente, une dépossession de son enfance. La maison a été violée dans son intimité. La mère qui en connaît le moindre recoin et secret ne se laisse pas intimider par l’intrus « Occupant », un « religieux juif » et force le passage pour une vaine reconquête des gestes familiers et domestiques, s’agrippant aux objets, tournant dans le salon, allant de pièce en pièce, expulsée de son repaire, de ses repères sous le regard médusé  de ses enfants : « Ma mère n’arrêtait pas. Elle était crispée sur son plat, comme tétanisée. On aurait cru qu’elle devenait folle. C’est vrai. Surtout avec ses mains qui enserraient le plat, comme pour le maintenir dans cette position coûte que coûte. Mon frère et moi, on se regardait sans savoir quoi faire. Nous scrutions le moindre de ses mouvements… » 

     

    Devant cette mère si tranquille et si calme, comme aux abois dans « sa » maison, l’adolescente est désarmée. Elle n’a que cette supplique  « O terre ouvre-toi et avale nous ! » tous ! » Le retour est silencieux et la maison devient un « fardeau » pour ces « moughtaribine »  expulsés. Une « OCCUPATION » du lieu intime par laquelle se répercute dans son ampleur celle du pays tout entier : « Je ne sais pas si je comprenais bien le mot mais il me faisait souffrir. Littéralement souffrir ». De cet exil forcé de la Maison du Néguev,  la maison ne s’en relève pas. Elle y a comme laissée une partie d’elle-même, tout elle-même, son âme et les tribulations hors  d’elle, sans elle, l’achèvent bien des années après, à Alger, restée seule, après la mort de son mari et l’exil de ses enfants en France, à Nantes où arrive la nouvelle : « Et puis, il y a cette scène de ma mère, morte, dans la morgue de Bab El Oued. J’avais écarté un bout de drap qui recouvrait son corps devenu cadavre…putréfié, décomposé... Elle était MORTE. Là-bas, si loin, toute seule…Elle avait préparé sa valise rouge, une grande Samsonnite qu’on avait achetée à Damas au retour de l’été 1975. Le fameux été durant lequel j’avais visité la maison du Néguev » comme pour un retour salvateur dans la maison du Néguev. Le père quitte les pays de l’or noir et s’installe avec sa famille en Algérie comme instituteur. La famille est logée sur le site d’une école primaire, une maison en préfabriqué dans laquelle, en dépit des attentions maternelles et des sacrifices de l’instituteur, la vie s’écoule dans les souvenirs du Royaume perdu du Néguev et des nouvelles si proches et si lointaines à la fois de la tragédie du pays dans une Algérie sortie à peine d’une même occupation de peuplement. Pourtant les « moughtaribine »  s’entendent qualifiés de : « foule, foula » ;  « ce qui signifie fève. Nous étions perçus comme des hurluberlus », au moment où les « moughtaribine » sur une terre « amie » apprennent la guerre de 67   qui ravage leur pays dans le souvenir vivace de celle de 48.

     

    L’auteure narratrice trouve ses marques en Algérie. A l’université, elle est immergée dans les mouvements politiques de gauche et rencontre ses compatriotes exilés. Mais elle y rencontre surtout l’amour de celui qu’elle nomme son « Trésor », son époux Ali El Kenz, intellectuel, sociologue, un amour, une union que ne vient pas ternir l’intifadha et la tragédie de Sabra et Chatila de 1982 : « La guerre, j’en regardais les images à la télévision. Insoutenables. La guerre. Sabra et Chatila. Et ma mère qui pleurait. Elle dut déménager en pleine maladie de mon père, encore un logement de fonction, plus misérable que le premier… Mon père était mort. C’était alors le début d’un exil. Encore un exil. Un exil définitif, un vrai ». L’Algérie des années quatre vingt dix, ensanglantée, ses intellectuels fils du pays, ancrés dans leur terre natale comme Tahar Djaout,  étêtés ou contraints à la « valise ». C’est d’abord La Tunisie puis la France, à Nantes où l’auteure apprend la mort de sa mère orpheline du Néguev. Des exils se superposent, se sédimentent, se télescopent : « Le Néguev loin derrière, Alger La Blanche n’est que brume ; Ghazza poussière. Nantes est clean : de l’ennui aseptisé » Mais l’appel –prière de Beer Sheva est comme une prière d’aube d’un muezzin de Jérusalem.

     

    Dans « Ghazza, l’obession-2009 », texte en italique » poétique, élégiaque, l’auteure psalmodie sa ville natale, personnifiée, comme en un retour au « ventre-mère », la ville martyre, la ville héroïque, la ville bombardée, la ville des siens, la ville Sphinx : « Encore Ghaza. Toujours Ghaza. Ghaza de nouveau. Elle revient comme un boomerang. Déterminée à frapper et prête à mourir. Oui, mais elle meurt et vit en même temps. Hostile et accueillante à la fois, meutrie, sanguinolente, la chair en lambeaux. Mais elle crie comme de joie, ma Ghaza. Ma Ghaza ! ». Un deuxième voyage-ziyara au Néguev pour honorer la mémoire maternelle ? Pour transmettre l’héritage du lieu perdu à une autre génération ? L’auteure narratrice n’y résiste pas. Moins par nostalgie, plus par le désir de se retremper dans l’humus de son peuple, des siens  et d’initier son fils aux rigueurs des racines défaites mais toujours vivaces. Elle tient la main à son fils comme le fit sa mère pour elle devant la maison du Néguev à jamais disparue. Elle est devenue au synagogue. Le voyage entrepris est assez agréable avec ses haltes dans des hôtels. L’auteure narratrice ressent « une immense joie » l’envahir dans les rues de Jérusalem malgré le Mur. Pourtant, la fissure est là, une hantise l’habite : « Ma hantise était de passer pour une étrangère. Je voulais qu’ils ( les gens) soient persuadés que j’étais d’ici depuis l’aube des temps, que j’étais l’une des leurs, que je m’étais jamais écartée de leur chemin, que j’avais toujours partagé leurs joie et leurs peines… Que ni mes ancêtres, ni moi-même, n’avions jamais quitté ces lieux chéris, que…., que……cette énumération  de pactes de fidélité trouve son serment dans le pèlerinage au Saint Sépulcre où la  mère et le fils entrent dans la Chapelle de l’Ange. Une prière. «  Jésus n’est pas français, ni danois. Il est Palestinien ». Un pèlerinage à l’origine de ce roman où les mots, les images, la syntaxe émotive construisent cette fascination poétique de la terre palestinienne.

    Rachid Mokhtari

    La Maison du Néguev

    Editions APIC 2009


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  • La Nouvelle République

    Librairie internationale Chiheb

    Rencontre littéraire avec Rachid Mokhtari

    La librairie internationale Chihab a abrité, samedi après-midi, une rencontre littéraire avec l’écrivain et journaliste Rachid Mokhtari. Au cours de cette rencontre, Rachid Mokhtari est revenu sur la sortie de son dernier roman intitulé l’Amante. Ce dernier soulève la problématique des mythes. En effet, il indiquera que dans l’ensemble de ces romans, il y a une partie très importante du mythe, en l’occurrence dans l’Amante qui échappe à l’événementiel par les mythes et c’est par eux qu’il transcende l’évènement. «Le mythe, expliquera-t-il, qui n’est pas seulement une littérature orale mais une vision du monde, transcende aussi les particularités régionales et linguistiques. Les personnages qui se nourrissent des mythes dépassent leur propre identité», a relevé le conférencier qui considère qu’«il y a du soi dans le mythe». Pour l’universitaire, le mythe peut, certes, revêtir plusieurs formes mais il participe activement à la mémoire, contribuant à la naissance du roman moderne. «J’ai accordé aussi plus d’importance à l’aspect esthétique, c’est-à-dire à la mise en forme, car je considère que dans le roman l’histoire compte moins que la forme» indique -t-il. Et d’ajouter : «Mais ce que j’ai surtout introduit, ce sont les voix. Il y en a quatre et chacune a un «je» et raconte à sa manière les événements qu’elle vit, qu’elle sent et qu’elle transmet également.» Rachid Mokhtari a relevé que les lieux évoqués sont imaginaires et intimes à la fois, allusion faite aux ressemblances avec des lieux géographiques réels.. «Dans l’espace romanesque, argumente-t-il, ce ne sont pas des lieux géographiques qui sont importants. Les lieux romanesques sont des lieux non toponymiques, ni géographiques. Ce sont des lieux affectifs. J’ai utilisé un grand registre de langages littéraires dans ce roman qui met en scène des personnages représentant trois générations, dont Tazazraït, une tisseuse centenaire qui représente la «Mémoire» et symbolise le patrimoine.» Lamia S.

     


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