• Salah benlabed, notes sur une musique ancienne ( Pleine lune/APIC

    Notes d’une musique ancienne, de Salah Benlabid ( ed Plaine Lune Canada 2007, ed. APIC, Alger, 2010)

     

    Stances pour un pays perdu…

     

    Soliloque émouvant, ce roman fait se croiser une histoire intime d’une famille dispersée et une histoire collective d’un pays natal meurtri.

     

     

    Salah Benlabid joue ses Notes d’une musique ancienne sur le grave. Ecritures déchirées, déchirantes mêlant des fragments poétiques, des complaintes sur un univers familial perdu et une chronique glaciale d’un exil forcé et enduré, d’un arpenteur des temps modernes dans les pays de neige et des flocons de solitude.

     

    Ephéméride éventant cinq lourdes années de tragédies d’histoire individuelle et collective ( 1999-2006), ce roman se lit comme un automne effeuille les figuiers, arbres fragiles et nourriciers évoqués, ici, dans ses racines défaites. L’histoire pourrait tenir en quelques phrases n’était la densité émotionnelle dans et de laquelle elle prend d’autres reliefs autres que la narration autobiographique, même si le « je » de l’auteur narrateur y inscrit  ses repères.

     

    Contraint à l’exil au Canada au bout de la décennie noire qui a ensanglanté le pays, tué un de ses amis d’enfance et semé la terreur au quotidien, l’auteur narrateur, dans un soliloque élégiaque, exorcise sa douleur, celle des siens, d’un pays natal innommé emporté dans ses fracas dans un territoire d’exil identifié, le Canada d’où l’agenda introspectif  s’ouvre et s’achève dans un télescopage d’évocations qui creusent la généalogie familiale, ses exodes, ses exils de la fratrie éparpillée sous la colonisation, la perte d’un père plus souvent silencieux après une longue carrière d’avocat des laissés pour compte de l’indigénat colonial, l’étiolement physique et mental d’une mère dont la présence-absence remplit les lieux des souvenirs intimes, disséminés dans le texte, marée haute qui submerge les digues de la chronologie énoncée dans les dates titres de chapitres.

     

    A cette longue lignée parentale disséminée par l’exode et l’exil, l’auteur narrateur   s’y accroche comme à une fragile bouée de sauvetage pour donner du sens à cet errant, immigrant/ émigrant Anonyme ; n’être Personne hors du figuier fondateur aux branches arrachées, à la sève rouge sang des «  enfants en aller vers les pays de l’or et du travail facile » (Jean El Mouhoub Amrouche). Au Canada, l’exil ne se transmet plus de père en fils mais d’un père angoissé à sa fille, son dernier parent qui, ayant grandi trop tôt hors du giron maternel, sur les pas paternels déracinés, mis au « défi » d’être à la cadence d’un pays où la solitude rime avec l’individualité, elle se refuse à vivre dans un appartement sans balcon, sans âme, dont la fenêtre donne sur une rue enneigée où les rares passants tiennent la main à leur propre mort. Elle se refuse à la fatalité, aux insomnies et aux silences angoissants d’un père qui ressasse ses « vieilleries »  dans un pays où la concurrence de l’individu « performant » est une arène romaine. Pour échapper aux remugles des temps révolus, elle se donne tout entière à son travail de défilés de mode, son « défi ». Un jour, elle rencontre un jeune compatriote au détour des inattentions paternelles et décide de retourner au pays. Elle écrit à son père qu’elle s’est rendu à son village non pour quêter ses origines mais pour se faire délivrer son extrait de naissance nécessaire à l’obtention d’une carte d’identité. Alors que sa fille retourne au pays perdu, le père ne cesse de creuser une double origine : La quête ininterrompue et inextinguible du lien ombilical et la source intarissable de son mal « au pays » ( l’expression est de l’écrivain Nabile Farès). Origine et « désorigine » se croisent, s’entrechoquent entre la nostalgie nourricière de poésie maternelle et la solitude enneigée d’Otawa ou d’autres villes du Canada où l’auteur narrateur, pour ne pas mourir de faim et des froids, réalise des reportages sur la vie des immigrants déclassés comme lui, donnant l’apparence feinte de citoyens intégrés, mais exhibant leur origine enfouie, cachée en eux pour peu qu’ils rencontrent une oreille attentive à leur existence insipide. Qu’ils soient Polonais, Africains, Roumains, cadres, intellectuels dans leur pays d’origine, survivants nocturnes, harragas anonymes, recherchés, traqués par la police. Le pays, désormais, n’est plus, pour eux, qu’une honte à ravaler ou à décliner. Le reporter en paye le prix des vérités dites sur ces nomades transnationaux des temps modernes . Il revient par deux fois au pays, suite à la mort du père et à la maladie de sa mère. Il est arrêté à l’aéroport et mis en garde-à-vue pour ses écrits.

     

    Sa ville natale est « assassine », son aéroport porte le nom du défunt… ; des indices autobiographiques donnés par un assassinat commis en direct sous les caméras de la télévision nationale. Comme une malédiction des repères originaires.  Bien plus. Le pays n’est plus pour lui qu’énonciateur de mort. Ses amis assassinés ou menacés de mort par les FV ( Frères Vigilants, expression de Tahar Djaout), mort du père, folie et disparition de la mère, sécheresse du figuier dans le jardin de la maison esseulée. Une autre mort, décrépitude, à « petits feux » sournoise, celle-là, celle d’un exil aux glaciations de solitudes, là où, disent les éclaireurs de l’ancienne émigration, on peut tout trouver, sauf le visage de la mère.

    Dans ces évocations éruptives s’incrustent des invocations poétiques, courtes comme autant de haltes soudaines sur une image, un mot, un fait, des impressions arrachées à la solitude des bancs des jardins publics d’une beauté hivernale inerte ; des stances aux notes graves modulées quelquefois aux chants solaires d’une terre intérieure jamais quittée…

    rachid mokhtari

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Passant Victor
    Lundi 19 Avril 2010 à 16:47
    Auteur
    Bonjour, Je tiens à souligner que l'auteur de ce livre est BENLABED SALAH et non Benlabid. Merci
    2
    Passant Victor
    Lundi 19 Avril 2010 à 17:36
    Auteur
    Bonjour, Je tiens à souligner que l'auteur de ce livre est BENLABED SALAH et non Benlabid. Merci
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