• Le maître de l’heure, roman de Habib Tengour ( ed. La Différence – 2009)

     

    Le narrateur est un jeune homme qui vit sous la terreur paternelle et les douces joies d’un amour caché quelque part dans un village de l’Oranie qui vit loin de la capitale, alors régence turque. Un événement inattendu de lui déclenche la narration et perturbe la vie du jeune homme. Son père qui a eu maille avec sa progéniture, le charge d’aller ramener la tête de son frère aîné tué par les Turcs à Alger.

    L’adolescent ne peut refuser cette mission au péril de sa vie. La route, à pied,  est longue et en ces temps de brigandage, l’arrivée à la Régence est semée d’embuches. Il fait plusieurs rencontres. Celle qui lui est décisive est l’apparition du saint tutélaire d’Alger, Sidi Abderrahmane ( l’auteur, anthropologue, versé dans les études de l’hagiographie connaît bien son sujet). Après s’être enquis des raisons de son voyage, Sidi Abderrahmane lui offre une bourse rempli de reals et décide de l’accompagner dans les dédales de la capitale province de la sublime porte, à la recherche des traces du frère aîné. Sidi Abderrahmane le laisse aux portes de la mairie de la ville où l’adolescent fait face aux tracas administratifs pour se faire délivrer un papier attestant de la présence du frère décapité en ces lieux. Rompu dans les télescopages spatiotemporels, Habib Tengour restitue, dans les détails,  l’appareil administratif et policier de notre époque par le truchement de la période ottomane.

    Après une errance dans les tripots de la ville, le missionnaire arrive à retrouver la tête de son frère et la trimbale dans un sac qui laisse couler le sang et attire des prédateurs. Le « trophée » connaît bien des péripéties. L’adolescent, au terme d’une enquête dans les bas fonds n’est pas arrivé à élucider la mort violente de son frère.

    Le retour au village se fait commode. La tête est là sous le regard autoritaire du père. Mais qu’a-t-elle apporté à la famille ? L’adolescent tente de retrouver la fille aimée mais c’est la tête qui le hante sous les menaces paternelles qui ont décuplé.

    Dans ce roman, le pouvoir turc est peint sous l’atrocité d’une décapitation et n’est pas décrit comme une « civilisation » ou sous l’emblème de la civilisation de l’islam. La ville est un panier à crabe et le terreau du banditisme et de la prostitution des autochtones.

    Sur le plan thématique, il fait écho au roman de Tahar Djaout Les chercheurs d’os, roman dans lequel un autre adolescent villageois part, aux premières heures de l’indépendance de l’Algérie, à la recherche des os de son frère aîné tombé au champ d’honneur de la guerre de Libération quelque part dans une région du pays.

    rachid mokhtari


    votre commentaire
  • Yanvalou pour Charlie ( Ed. Actes Sud, 2009) , roman de Lionel Trouillot

     

    Un roman musical

     

    Le prix Wepler –Fondation la Poste de la sélection 2009 a été décerné  à Lyonel Trouillot pour son dernier roman « Yanvalou pour Charlie » ( Actes Sud) ; un roman dans lequel le personnage principal est un riche avocat de Port-au-Prince rattrapé par une enfance pauvre vécue dans un village de Haïti. Charlie, son double, son jumeau littéraire, est venu perturber son monde paillettes pour le ramener aux réalités de son pays, si pauvre mais si riche en solidarités.     

     

     

    Ce roman musical a pour cadre l'insaisissable cafouillis de la capitale d’Haïti, Port au Prince, avec ses déchirures architecturales et humaines. Charlie, le garçon d’un village oublié, vient frapper à la porte de la conscience de celui qui, pour effacer ses origines paysannes, se fait pompeusement appeler Mathurin D Saint-Fort dans le milieu fermé et obséquieux du barreau. Avocat en pleine ascension, soucieux de sa réussite personnelle, entre son Chef tout puissant et deux de ses collègues femmes qui ne vivent que d'apparences, ce Mathurin-là -  on le sent dès les premières lignes du roman -, n'est pas à l'aise dans son identité d'emprunt, de camouflage. Une guitare héritée d'un barde de son village natal oublié est, malgré ses fils usés, de tous les nouveaux bibelots de sa réussite matérielle, le seul « objet » qui ait encore une âme, plus que lui peut-être dans sa nouvelle vie. Que fait encore cette guitare des enfances anciennes dans sa vie d'avocat d’affaires ? La musique ne fait pourtant pas bon ménage avec ce monde fermé et froid, sans état d’âme. C’est que  l'instrument est encore capable de résonances lointaines. Compagne du vieux barde Gédéon, la conscience du village - honnêteté faite homme- porte,   sa caisse berce l'écho de l'enfant Dieutor qui a quitté son village de boue, son village de mer qui n'en est plus une, pour atterrir dans un orphelinat de Port au Prince où il est "enrôle" par d'autres enfants déracinés comme lui pour des descentes nocturnes conduites par Nathanaïel, l’intellectuel bandit du groupe d’enfants et d’adolescents qui se spécialisent dans les vols en tous genres dans les quartiers cossus de Port au Prince, là même où l’ex Dieutor tapi dans Mathrin D Saint Fort  tente d’effacer ses origines. Mais il se moque bien de son nom d’emprunt  et des attitudes empruntées de ses collègues femmes, arrivistes jusqu’au bout des ongles et de la Grande épouse de son Chef  qui fait ses emplettes festives à Miami sur le compte bancaire garni de son époux « épouvantail ».  Il en rit et trouve même à en faire l’objet d’observations scrupuleuses et humoristiques.

    Mais, cette drôle de vie ne pouvait tourner le dos à la misère ambiante. Celle des rues poubelles, des grabats, d’une population jetée dans les détritus par des gouvernances prédatrices. Mathurin D Saint Fort, alias Dieutor, la honte camouflée, pourra-t-il tuer en lui Dieutor et être enfin l’avocat respecté au nom composé affublé de la particule de noblesse. Non, le patronyme d’emprunt sonne faux comme les fils de la vieille guitare trop usés par les complaintes des gens de son village oublié des dieux et des hommes. D’ailleurs, il n’en a pas l’allure, encore moins la prestance ! Une identité de pacotilles dont le vernis injurie un pays balafré comme la joue de la sœur –mère de Nathanaïel, prénom aux douces consonances musicales et poétiques d’un braqueur à main armé et néanmoins tête « pensante » aux idéaux de partage et de justice. Dieutor contre Mathurin, Dieutor avec Charlie. Commence alors un retour dans les dédales d’une ville exsangue, affamée, dépotoir où la faim court les rues. Dieutor mal déguisé en pauvre a habillé de neuf « son protégé dérangeant ». Tous deux, comme l’un dans l’autre, entament l’inévitable retour dans leur boue d’origine commune,  les pieds hésitants de l’ex Mathurin dans les ruelles jonchés de pelures, sur un rivage jadis marin rempli d’excréments, les yeux fixés sur les baraques en tôles ondulés, incertaines demeures qui ont « fait »pourtant son enfance. Ils ne sont pas seuls à y revenir par cette traversée empuantie des origines. D’autres bandes marchent, trébuchent, à la recherche du magot volé, à la recherche aussi d’une enfance volée.

    Ces êtres, en mal de pays, malgré les souffrances, ne perdent pourtant pas espoir. Les enfants dessinent à la craie sur les portes fragiles de leur gît des étoiles à défaut de les voir un jour briller dans le ciel, ressuscitant le mythe du Vaudou, le Yanvalou qu’incarne le tribun du village, le Yanvalou de la terre ancestrale. Chacun des quatre personnages, Mathurin, Charlie, Nathanaïel, Anne, la sœur aînée dont Mathusin n’a pas oublié la berceuse rédemptrice « Dieutor, mon Dieutor » dit ses tourments, emprunte une voie, certes ardue, pour retrouver son passé, le reconstruire quand le souvenir n’existe plus, le quête au fond de soi, dans son double obsessionnel ( Dieutor/ Charlie). 

    Ce roman quatuor est un hymne à la terre haïtienne, africaine, en ce qu’elle a de sordide et d’attachant, de déracinant et d’enracinant. Sa beauté esthétique  réside dans sa polyphonie discursive ( Je/tu/il) et dans un rythme syntaxique   envoûtant.

    Rachid Mokhtari/CCF 

     

     

     


    votre commentaire
  • Ghazza ou la Fascination poétique

    Odes à la terre sainte, la Palestine, élégie à la terre natale, Ghazza, complainte de la maison des origines, celle du Néguev, une maison « matrice » du seuil de laquelle s’amorce une violente « désorigine » : l’histoire collective d’un pays occupé, emmuré, le destin intime d’une famille expropriée et jetée sur les routes incertaines d’une errance physique et « intérieure » jamais guérie de l’exil du Néguev maternel, obsédée, toujours, par les valises à refaire dans une Algérie ensanglantée, comme Ghazza, où les fils du pays, réapprennent les réflexes de leurs aïeux sous l’occupation coloniale.

     

    Suzanne el Farrah el Kenz  dans « La maison du Néguev, une histoire palestinienne » dépasse la simple consignation d’une autobiographie, d’une mémoire nue, pour l’inscrire dans une extrême fascination poétique – non politique -  d’un pays perdu, quêté, rêvé, retrouvé, senti, et pas seulement, arpenté dans la mémoire prospective, verbale et sémantique ; une fascination poétique qui n’abdique pas aux tragédies de l’histoire,  donne  force et vigueur aux mots, simples et sincères qui la disent dans un « je » conjugué à l’unisson des attaches séculaires d’un peuple, des peuples qui ont connu et connaissent toujours et encore la déshérence de toutes les « maisons » du Néguev et d’un « je » qui se détache, souverain, par cette fascination poétique même, des discours idéologiques, politiques, nationalistes, pour marquer ses empreintes digitales et nominales dans ses réalités humaines, son humus ancestral, ses odeurs  animalières d’un territoire, d’un toit, d’une porte, d’un seuil…

     

    L’auteure a quinze ans quand, avec sa mère et son petit frère, elle revient d’un riche pays pétrolier où travaille le père, pour visiter la maison familiale, celle du Néguev à Beer Sheva, une localité de Ghazza. Ce retour d’un exil économique vers la maison élue est une première blessure pour la mère qui y a mis tout son amour d’épouse et pour l’adolescente, une dépossession de son enfance. La maison a été violée dans son intimité. La mère qui en connaît le moindre recoin et secret ne se laisse pas intimider par l’intrus « Occupant », un « religieux juif » et force le passage pour une vaine reconquête des gestes familiers et domestiques, s’agrippant aux objets, tournant dans le salon, allant de pièce en pièce, expulsée de son repaire, de ses repères sous le regard médusé  de ses enfants : « Ma mère n’arrêtait pas. Elle était crispée sur son plat, comme tétanisée. On aurait cru qu’elle devenait folle. C’est vrai. Surtout avec ses mains qui enserraient le plat, comme pour le maintenir dans cette position coûte que coûte. Mon frère et moi, on se regardait sans savoir quoi faire. Nous scrutions le moindre de ses mouvements… » 

     

    Devant cette mère si tranquille et si calme, comme aux abois dans « sa » maison, l’adolescente est désarmée. Elle n’a que cette supplique  « O terre ouvre-toi et avale nous ! » tous ! » Le retour est silencieux et la maison devient un « fardeau » pour ces « moughtaribine »  expulsés. Une « OCCUPATION » du lieu intime par laquelle se répercute dans son ampleur celle du pays tout entier : « Je ne sais pas si je comprenais bien le mot mais il me faisait souffrir. Littéralement souffrir ». De cet exil forcé de la Maison du Néguev,  la maison ne s’en relève pas. Elle y a comme laissée une partie d’elle-même, tout elle-même, son âme et les tribulations hors  d’elle, sans elle, l’achèvent bien des années après, à Alger, restée seule, après la mort de son mari et l’exil de ses enfants en France, à Nantes où arrive la nouvelle : « Et puis, il y a cette scène de ma mère, morte, dans la morgue de Bab El Oued. J’avais écarté un bout de drap qui recouvrait son corps devenu cadavre…putréfié, décomposé... Elle était MORTE. Là-bas, si loin, toute seule…Elle avait préparé sa valise rouge, une grande Samsonnite qu’on avait achetée à Damas au retour de l’été 1975. Le fameux été durant lequel j’avais visité la maison du Néguev » comme pour un retour salvateur dans la maison du Néguev. Le père quitte les pays de l’or noir et s’installe avec sa famille en Algérie comme instituteur. La famille est logée sur le site d’une école primaire, une maison en préfabriqué dans laquelle, en dépit des attentions maternelles et des sacrifices de l’instituteur, la vie s’écoule dans les souvenirs du Royaume perdu du Néguev et des nouvelles si proches et si lointaines à la fois de la tragédie du pays dans une Algérie sortie à peine d’une même occupation de peuplement. Pourtant les « moughtaribine »  s’entendent qualifiés de : « foule, foula » ;  « ce qui signifie fève. Nous étions perçus comme des hurluberlus », au moment où les « moughtaribine » sur une terre « amie » apprennent la guerre de 67   qui ravage leur pays dans le souvenir vivace de celle de 48.

     

    L’auteure narratrice trouve ses marques en Algérie. A l’université, elle est immergée dans les mouvements politiques de gauche et rencontre ses compatriotes exilés. Mais elle y rencontre surtout l’amour de celui qu’elle nomme son « Trésor », son époux Ali El Kenz, intellectuel, sociologue, un amour, une union que ne vient pas ternir l’intifadha et la tragédie de Sabra et Chatila de 1982 : « La guerre, j’en regardais les images à la télévision. Insoutenables. La guerre. Sabra et Chatila. Et ma mère qui pleurait. Elle dut déménager en pleine maladie de mon père, encore un logement de fonction, plus misérable que le premier… Mon père était mort. C’était alors le début d’un exil. Encore un exil. Un exil définitif, un vrai ». L’Algérie des années quatre vingt dix, ensanglantée, ses intellectuels fils du pays, ancrés dans leur terre natale comme Tahar Djaout,  étêtés ou contraints à la « valise ». C’est d’abord La Tunisie puis la France, à Nantes où l’auteure apprend la mort de sa mère orpheline du Néguev. Des exils se superposent, se sédimentent, se télescopent : « Le Néguev loin derrière, Alger La Blanche n’est que brume ; Ghazza poussière. Nantes est clean : de l’ennui aseptisé » Mais l’appel –prière de Beer Sheva est comme une prière d’aube d’un muezzin de Jérusalem.

     

    Dans « Ghazza, l’obession-2009 », texte en italique » poétique, élégiaque, l’auteure psalmodie sa ville natale, personnifiée, comme en un retour au « ventre-mère », la ville martyre, la ville héroïque, la ville bombardée, la ville des siens, la ville Sphinx : « Encore Ghaza. Toujours Ghaza. Ghaza de nouveau. Elle revient comme un boomerang. Déterminée à frapper et prête à mourir. Oui, mais elle meurt et vit en même temps. Hostile et accueillante à la fois, meutrie, sanguinolente, la chair en lambeaux. Mais elle crie comme de joie, ma Ghaza. Ma Ghaza ! ». Un deuxième voyage-ziyara au Néguev pour honorer la mémoire maternelle ? Pour transmettre l’héritage du lieu perdu à une autre génération ? L’auteure narratrice n’y résiste pas. Moins par nostalgie, plus par le désir de se retremper dans l’humus de son peuple, des siens  et d’initier son fils aux rigueurs des racines défaites mais toujours vivaces. Elle tient la main à son fils comme le fit sa mère pour elle devant la maison du Néguev à jamais disparue. Elle est devenue au synagogue. Le voyage entrepris est assez agréable avec ses haltes dans des hôtels. L’auteure narratrice ressent « une immense joie » l’envahir dans les rues de Jérusalem malgré le Mur. Pourtant, la fissure est là, une hantise l’habite : « Ma hantise était de passer pour une étrangère. Je voulais qu’ils ( les gens) soient persuadés que j’étais d’ici depuis l’aube des temps, que j’étais l’une des leurs, que je m’étais jamais écartée de leur chemin, que j’avais toujours partagé leurs joie et leurs peines… Que ni mes ancêtres, ni moi-même, n’avions jamais quitté ces lieux chéris, que…., que……cette énumération  de pactes de fidélité trouve son serment dans le pèlerinage au Saint Sépulcre où la  mère et le fils entrent dans la Chapelle de l’Ange. Une prière. «  Jésus n’est pas français, ni danois. Il est Palestinien ». Un pèlerinage à l’origine de ce roman où les mots, les images, la syntaxe émotive construisent cette fascination poétique de la terre palestinienne.

    Rachid Mokhtari

    La Maison du Néguev

    Editions APIC 2009


    votre commentaire
  • La Nouvelle République

    Librairie internationale Chiheb

    Rencontre littéraire avec Rachid Mokhtari

    La librairie internationale Chihab a abrité, samedi après-midi, une rencontre littéraire avec l’écrivain et journaliste Rachid Mokhtari. Au cours de cette rencontre, Rachid Mokhtari est revenu sur la sortie de son dernier roman intitulé l’Amante. Ce dernier soulève la problématique des mythes. En effet, il indiquera que dans l’ensemble de ces romans, il y a une partie très importante du mythe, en l’occurrence dans l’Amante qui échappe à l’événementiel par les mythes et c’est par eux qu’il transcende l’évènement. «Le mythe, expliquera-t-il, qui n’est pas seulement une littérature orale mais une vision du monde, transcende aussi les particularités régionales et linguistiques. Les personnages qui se nourrissent des mythes dépassent leur propre identité», a relevé le conférencier qui considère qu’«il y a du soi dans le mythe». Pour l’universitaire, le mythe peut, certes, revêtir plusieurs formes mais il participe activement à la mémoire, contribuant à la naissance du roman moderne. «J’ai accordé aussi plus d’importance à l’aspect esthétique, c’est-à-dire à la mise en forme, car je considère que dans le roman l’histoire compte moins que la forme» indique -t-il. Et d’ajouter : «Mais ce que j’ai surtout introduit, ce sont les voix. Il y en a quatre et chacune a un «je» et raconte à sa manière les événements qu’elle vit, qu’elle sent et qu’elle transmet également.» Rachid Mokhtari a relevé que les lieux évoqués sont imaginaires et intimes à la fois, allusion faite aux ressemblances avec des lieux géographiques réels.. «Dans l’espace romanesque, argumente-t-il, ce ne sont pas des lieux géographiques qui sont importants. Les lieux romanesques sont des lieux non toponymiques, ni géographiques. Ce sont des lieux affectifs. J’ai utilisé un grand registre de langages littéraires dans ce roman qui met en scène des personnages représentant trois générations, dont Tazazraït, une tisseuse centenaire qui représente la «Mémoire» et symbolise le patrimoine.» Lamia S.

     


    votre commentaire
  •  

    Imaqar Ou la mémoire oubliée

    Posté par Artisans de l'ombre le 1 juillet 2009

    Arts et Culture Edition du 11/2/2008

    Imaqar
    Ou la mémoire oubliée
    Par : Yacine Idjer

     

    Identité n Après Elégie du froid, un roman paru en 2004 aux éditions Chihab, Rachid Mokhtari, essayiste également, renoue avec l’écriture romanesque avec Imaqar.

    Imaqar, qui vient d’être édité aux mêmes éditions, est l’histoire d’un village. Tout commence lorsqu’une ambulance ramène aux villageois un mort au nom hybride (Gérard Saïd)

     dont personne ne veut. Ce nom jeté, tel un pavé dans la mare, dans le quotidien de chacun, va troubler l’ordre établi : le conseil des sages refuse son inhumation au cimetière des ancêtres, car au nom à moitié occidental, l’étranger a apporté avec lui les crapauds, une invasion d’amphibiens. A la fontaine du village, les crapauds sortent par centaines du robinet, ils pullulent dans l’abreuvoir ; de nuit comme de jour, ils s’accouplent et se multiplient. Ce fait inhabituel, les villageois le voient comme une malédiction, une profanation des ancêtres. Le mort est un mauvais sort qui s’est abattu sur le village : il n’est pas question de l’inhumer dans le cimetière des ancêtres, parmi les bonnes gens. Tous les villageois sont unanimes là-dessus.
    Seul, le Vieux, figure tutélaire, puisque c’est lui qui a réceptionné la dépouille et a signé le récépissé mortuaire, se dresse contre la déraison des uns et l’absurdité des autres.
    Mais pour accorder à cet étranger une sépulture digne et respectable, le Vieux doit, de son côté – chose malaisée – élucider le mystère qui entoure Gérard Saïd. Il s’engage à enquêter sur l’identité de cet homme au nom hybride. Qui est-il ? Serait-il un fils du village ? Autant d’interrogations viennent se bousculer dans la tête du Vieux, le rendant ainsi perplexe.
    Pour le salut de l’étranger, le Vieux s’emploie, tant bien que mal, à recomposer l’échiquier. Dans ce tableau déroutant, d’autres personnages s’invitent dans cette quête et se proposent d’aider le Vieux dans son combat pour la restitution de la mémoire collective, celle d’Imaqar, une mémoire déposée dans les archives mais qui sont refusées d’accès aux citoyens.
    Ainsi, dans une écriture simple, un langage littéraire aéré mais pertinent de par sa charge sémantique, un langage où le fantastique le dispute au réalisme, le romancier s’emploie à dire la mémoire. Gérard Saïd est la mémoire du village. Il se trouve que tous l’ont oubliée.
    Gangrené par l’ambiguïté et l’amnésie, Imaqar, qui vit dans le flou et la perte des repères, est un roman politique sur l’identité collective – le livre est une écriture onomastique à travers laquelle se profile une société perdue dans l’oubli de soi. C’est aussi une société murée dans des superstitions séculaires et pervertie par des attitudes réactionnaires.
    Le roman est un regard authentique mais critique sur la réalité de l’Algérie : démagogie, discours officiels et creux, expropriation, mensonges et tromperies, intrigues, magouilles et tribulations de l’administration politique.

    Cet article a été publié le Mercredi 1 juillet 2009 à 19:30 et est catégorisé sous 02 .Lit. algérienne. Vous pouvez suivre les réponses à cet article par le fil RSS 2.0. Vous pouvez laisser un commentaire, ou faire un trackback depuis votre site.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique