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    Logée dans la mémoire, une balle…

    Dans son premier roman Une balle en tête, titre à connotation policière, Samira Guebli construit un personnage métaphorique, une victime du terrorisme cumulant tous ses drames dans l’espace intime et collectif. Ghozlane, journaliste préparant, au cours du récit, un roman mémoriel sur la tragédie terroriste qui l’a laissé pour mort au cœur de sa Casbah natale, à Alger, vit, reclus, à Paris entre l’image obsessionnelle de l’attentat et les beaux yeux de Marie, femme médecin, engagée dans plusieurs missions de la Croix rouge, ayant été elle aussi touchée dans sa chair et sa mémoire par la perte de son fils lors des attentats du 11 septembre 2001. Deux drames du terrorisme, l’un local et l’autre mondial, se rencontrent dans une relation amoureuse ambiguë entre Ghozlane et Marie. Dans un contexte international marqué par l’attentat des tours jumelles à New York, la chute de Sadam Hussein en Irak, la défaite des Talibans en Afghanistan et la promotion de la politique de la concorde civile en Algérie, Ghozlane semble chevillé à sa propre  tragédie dont il égrène sept blessures: affective, parentale, morale, historique, politique, linguistique et esthétique qu’il associe aux sept balles qui sont tirées sur lui à bout portant suivie chacune par un appel de ce qui aurait du être celui de la prière en islam : "Allah Akbar" mué en appel au meurtre de la meute des assassins (Dieu est grand). Une seule parmi d’autres qui ont fait de son corps un "champ de mines" est logée dans sa tête, plutôt dans sa mémoire.
    Vivre avec une balle dans le crâne parait improbable bien qu’elle peut en être extraite mais avoir une balle en tête, titre polysémique, une balle mnémonique, qui peut tout aussi bien exprimer la volonté des bourreaux qui ont décider de tuer, de massacrer que le souvenir tenace d’une victime ayant survécu à un attentat terroriste. Cette balle "en tête" n'est pas celle qui accompagne un policier dans ses mission et ne relève pas de la radiographie ni de la chirurgie. D’où le passage de la blessure physique qui se referme le temps aidant, cicatrices de la chair, à la détresse morale, à la mémoire tatouée au fer rouge de ce drame qui creuse dans la plaie béante de la remémoration  hors du temps et de l’espace.
    La table d’auscultation sur laquelle il est allongé lors d’une visite médicale de routine, se transforme en un "naâch" (cercueiul) mémoriel macabre. Sous les doigts nus de Marie qui palpent ses plaies, il ferme les yeux. Le cimetière d’El Qattar vient à lui, d’abord à travers des souvenirs d’enfant, accompagnant sa mère qui verse des torrents de larmes face aux embruns de la mer dont les yeux de Marie portent le bleu tourmenté. Puis, dans celle du père, marin, qui, un jour ne revint pas. Puis, la cohorte des corps criblés de balles, enterrés, déterrés, se bousculant aux portes d’El Quettar insatiable de tombes fraîches. Il n’y a plus de frontières entre les « morts » et les "encore vivants" (cette expression imagée est de l'écrivain Nabile Farès dans son roman "Il était une fois, l'Algérie", Ed. Achab, 2010), ceux dont la balle a troué le crâne et ceux qui l’ont enfouie au creux de la mémoire. La différence n'est-elle pas ténue ? D’autant que ces "morts" et ces "encore vivants" se cotoient, se narguent, de tombe en maison, et vice-versa.

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    http://www.freealgerie.com/debat-du-jour/243-la-jeune-litterature-algerienne-ou-lenvers-du-cinquantenairede-lindependance.html


     


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  • Dans cet entretien, Boualem Sansal parle de son nouveau roman "Rue Darwin" (Gallimard, 2011) et répond pour la première fois, par l'analyse, aux invectives dont il a été victime en Algérie à la sortie de son précédent roman "Le Village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller"… 
     
     D’emblée, "Rue Darwin" est-il autobiographique ?
     
    Boualem Sansal: "Rue Darwin" est un roman, pas une autobiographie. J’y ai mis un peu de moi, un peu de ma famille, mais aussi beaucoup d’autres choses, prises chez les uns et chez les autres. Il faut aussi que les gens se reconnaissent un peu dans un roman sinon ils ne sentent pas concer-nés et ne le liront pas.

    Quel(s) sens donnez-vous au mot "pupille" par lequel Faïza qualifie les enfants nés dans "la grande maison" sachant aussi qu’il est surtout usité dans "pupille de la Nation" qui désigne depuis 1917 les enfants victimes de guerres ?

    Par pupille, j’entends simplement orphelin. Je ne voulais pas utiliser le mot bâtard, les enfants n’ont pas à porter des noms pareils, ils ne sont pour rien dans les travers et les hontes de leur société. 

    Le narrateur vit doublement son "illégitimité" : celle intime de sa naissance et celle d’un pays dont la naissance à l'indépendance, aussi, est frappée d’illégitimité. Quelle est celle qui le traumatise au plus profond de lui-même ?

    Les misères s’ajoutent, le narrateur vit durement son illégitimité à laquelle s’ajoute celle de son pays que tous ses gouvernants, d’hier et d’aujourd’hui, ont pris comme s’il était un pays abandonné, un bâtard, comme s’il sortait du néant. Or ce pays a son histoire et son peuple, comme le pupille a des parents même s’il ne les connaît pas.
     
    Pourtant, c’est un survivant de multiples guerres. Pourquoi fouine-t-il dans le bourbier de sa "guerre" des origines ?
    .../...

    Rachid Mokhtari
    Lire la suite dans
    http://www.freealgerie.com/debat-du-jour/236-boualem-sansal-lalgerie-est-prisonniere-dune-dictature-qui-a-tout-brouille.html


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